Chef du projet : BOUKELLA Mourad, Professeur et chercheur associé au CREAD
Objet du projet :
Dans un contexte de crise multidimensionnelle exacerbée, l’Algérie engage un train de Réformes économiques profondes, d’abord en 1988-1989 à l’initiative des « Réformateurs » du Gouvernement Hamrouche, puis de façon accélérée entre 1995 et 1998 dans le cadre de l’application, sous l’égide du FMI et de la Banque mondiale, des programmes d’ajustement et de restructuration (PAS). Destinées à compléter la transition politique vers le multipartisme, celles-ci devaient jeter les bases d’une économie de marché concurrentielle et compétitive, après plus de deux décennies d’économie administrée. Leur objectif final, affiché dans le discours officiel, était de placer l’économie algérienne sur une trajectoire de croissance durable, par le démantèlement des monopoles publics et par l’ouverture du champ de l’investissement productif, dans tous les secteurs, à l’initiative privée.
Davantage que d’autres secteurs d’activité, les IAA ont constitué un terrain d’application et d’expérimentation privilégié de ce nouveau paradigme du développement. Par la mise en œuvre d’une batterie de mesures à caractère juridique et institutionnel, le secteur, dans sa totalité, a connu la dérégulation, la privatisation de nombreuses entreprises publiques qui y opèrent, la libéralisation des prix et du commerce intérieur et extérieur de la plupart des produits, l’ouverture à l’investissement étranger. Autant de mesures libérales qui, dans le discours officiel de leurs promoteurs, devaient réhabiliter les lois de la concurrence, garantir une allocation optimale des ressources et assurer ainsi une croissance durable du secteur. Pourtant, près de deux décennies après le lancement des Réformes, des handicaps lourds pèsent encore sur le secteur des IAA. Handicaps généraux liés aux multiples carences du « climat des affaires » en Algérie, notamment la présence d’un important secteur informel, par définition inconnu des statistiques officiels et donc non maîtrisé par l’Etat. Mais aussi handicaps spécifiques aux IAA : dépendance quasi-absolue de l’extérieur pour leurs approvisionnements (importations de matières premières et d’autres biens intermédiaires comme les ingrédients et les emballages, d’équipements spécifiques et de technologies), faible intégration à l’amont agricole, faible diversification de la gamme des produits, exportations timides, en valeur et en volumes, et enfin, retard significatif en matière de coopération industrielle et technologique inter- entreprises au niveau interne et à l’international.
Pourquoi ces handicaps lourds et persistants ? Les éléments de réponse avancés ici en guise d’hypothèses de travail passent par l’analyse des politiques publiques mises en œuvre en direction des IAA : politiques de structures liées aux réorganisations successives des secteurs publics et privés, politiques des prix à travers la subvention des prix des produits de première nécessité et autres mesures incitatives d’aides, de soutien et de régulation, politiques d’accès aux marchés publics et au foncier industriel, politiques de « mise à niveau », etc. Correctement menée, l’évaluation des politiques publiques, combinée à une recherche sur la stratégie des acteurs opérant dans le secteur (transformateurs nationaux et étrangers, importateurs, Associations professionnelles et interprofessionnelles, syndicats, Associations caritatives), comme réponse à l’action publique, devrait fournir un éclairage intéressant sur les rapports de force en présence (notamment entre pouvoir politique et pouvoir de l’argent), sur la nature des conflits et leur mode de régulation, ainsi que sur les types d’alliance entre ces différents concurrents/partenaires. In fine, elle devrait déboucher, par un travail d’extrapolation des tendances lourdes aujourd’hui observables, sur une mise en perspectives des types de spécialisation et d’intégration de notre système agroalimentaire au système agroalimentaire maghrébin, euro-méditerranéen, voire mondial, qui se dessinent à l’horizon 2030, et donc sur la capacité du pays à assurer la sécurité alimentaire de ses populations sur le long terme.